Entre dans un autre monde, entre...

Avec ma clé coincé dans mon soutien gorge, j'ouvre la porte. Elle grince quelque peu et s'ouvre sur un fabuleux palace. Mon palace. Je partage ce compartiment avec mon frère, mais cela ne me dérange pas. Nos lits sont séparé par un épais rideaux. Je laisse tomber mon ombrelle dans un range-parapluie et enlève quelques rubans qui me gêne. J'ouvre mon placard et sort quelques choses de pas trop dénudés pour cette jeune fille.

- Nous sommes le seul cirque à avoir vraiment de l'eau courante. Et... Chauffé ! C'est une merveille d'avoir ça dans un train !

Je commence à me diriger vers une petit pièce vers le fond du Wagon et ouvre la porte. La lumière entre tellement dans la pièce qu'on dirait le paradis. J'ouvre le robinnet d'eau chaude et attend que l'eau vienne. Je lui dépose sur le lavabo en marbre ses affaires. je lui sors de douce serviette de bain. Elles sont d'un jaune doux, presque blanc. J'ai toujours aimé ces modèles. Je lui sort des sels de bain, des savons, du shampoing.

- Voilà j'espère que ça te suffira Stella. Si tu as besoin je suis à côté. Je te laisse ton lapin. J'irais te chercher quelque chose à manger.

Je ferme doucement la porte et m'écroule sur mon canapé en velour rouge. Pourquoi je faisais ça ?! Peut être à cause... Non.

Je ne dis rien. Je ne trouve pas les mots. Tout est tellement irréel ! C'est forcément un rêve ! Dans deux minutes je vais me réveiller, sur un tas de foin ou de branches touffues qui auront fait office de lit, avec Boule de Neige, contre moi, pour me maintenir à une température corporelle à laquelle je pourrais survivre. Mais non, le lapin me mordillait le doigt, et je ne sortais pas de ce rêve improbable. Cette maison sur roulette reflétait tout ce que je n'avais jamais eu. Les murs, incrustés d'or, brillaient de milles feux, et les portes. Il y avait des portes ! En bois foncé et brillant, qui luisait sous la lumière du jour. Accrochées à ces murs précieux, des appliques discrètes, qui dégageraient une puissante lumière, une fois le soleil couché. Assis sur une table victorienne, un tourne-disque au pavillon d'or, chantait une agréable mélodie. Plus loin, un immense bureau, du même ton boisé que les portes, faisait régner le savoir dans l'atmosphère. Tout ce fait de plus contemporain en notre temps. C'était purement magnifique.

Lucy m'entraina dans une petite pièce, au fond de son domicile roulant. L'endroit était peut-être plus étroit, mais pas moins somptueux. Elle me mit dans les bras tout un échantillonnage de bouteilles à usages divers. Moi, qui n'avait jamais connu que l'eau pour la toilette matinale, et les pétales de fleurs écrasées pour être présentable, ces produits me comblaient, même si j'ignorais tout de leur usage.

Elle me laissa seule, dans la salle de bain, avec Boule de Neige. J'entendais ses pas, perchés sur ses talons élégants, qui s'éloignaient jusqu'au silence. Je quittais mes haillons misérables, et entrais dans la profonde baignoire, en marbre et ornée d'or. Je tournais le robinet, et à ma grande surprise, c'est de l'eau chaude qui s'en échappa. Je laissais le liquide agréable recouvrir mes jambes, et libérais les cristaux colorés. Les senteurs qui s'émanaient de leur fonte dans l'eau me relexaient, et détendaient mon corps tout entier. Je ramassais la savonnette que Lucy m'avait laissé, et la portait à mon nez. Elle sentait la vanille, et l'orange. C'était parfait. Je me passais la savonette sur la peau, et levais la tête, pour mouiller ma longue chevelure d'ébène. Je massais mon crâne avec le contenu de la dernière bouteille, à l'odeur douce.

Une fois séchée par les soyeuses serviettes jaunes, j'enfilais le vêtement que Lucy avait prévu pour moi. C'était une robe magnifique. Un bustier, noir, déchiré par des zébrures blanches. Une jupe en mouchoir de tulle et dentelles, de la couleur du charbon. Me découvrirais-je une féminité ? J'enroulais un des rubans blancs qu'elle avait laissé, autour de mon poignet, et le nouais entre mon index et mon majeur. J'arrangais mes cheveux noirs, aux reflets bleutés, et pris mon ami blanc dans mes bras.

Je poussais timidement la porte, et me présentait, devant Lucy, affalée confortablement sur un canapé rouge. Je lui souriais en passant mes mains sur mon habit, dans lequel je me sentais vivre, exister...

- Merci Lucy. Merci beaucoup.

- Merci Lucy. Merci beaucoup.

Eh bien voilà un jolie minois ! Je baisse mon livre et la regarde de haut en bas. Ses habits lui vont à merveille, et elle sent terriblement bon. Je me lève, d'un pas assuré et me dirige vers elle. Sa présence qu'elle a dans la pièce, la rend plus sombre. Elle aspire tout la beauté de la lumière pour attirer le côté rebelle. Elle a l'air fragile, mais avec de l'épanouissement, elle s'en sortira extrêmement bien. J'aime la façon dont elle met ses rubans en tout cas ! Je prend son visage dans une main. Je constate des cicatrices.

- Eh bien, je ne sais pas ce qu'il t'est arrivé, mais tu as eu de la chance d'être encore très jolie ! Je vais t'expliquer un peu les règles ici. Viens t'assoier.

J'invite son lapin et elle à s'installer confortablement sur mon canapé de velour rouge. Je m'y pose aussi, servant une tasse de thé bien chaude à ma nouvelle invitée. Malgré ma grande maturité, j'ai toujours un faible pour encore jouer à servir le thé, et même parfois habiller des poupées en porcelaines. Je lui tend la tasse, avec des carrés de chocolats sur l'assiette gravé en or. Je sors en bout de pain et le donne aussi à la jeune fille à côté de moi. Ca c'est pour le petit lapin.

- Ici c'est un cirque. Circus Risis. Tu as peut être entendu parler de notre réussite... Mes artistes sont partis pour un autre cirque minable et miteux, en saccagent toute ma compagnie. Je n'ai plus rien. Ni animaux, ni personnel. Tous m'ont lachement abandonné. Je te propose de venir ici... Tu m'as répondu oui. Tu seras bien payé tu sais. Et tu auras un logement, des affaires... Mais que veux tu être ? Tout les postes sont libres, et nous partons pas avant un bout de temps...

Le problème avec les vraies personnes, c'est que je suis obligée d'utiliser les mots pour communiquer avec elles. C'était plus facile avec les arbres, je leur parlais, dans ma tête, et ils me répondaient, dans ma tête.

Lucy m'offrait une place dans son cirque. Et j'avais en plus le luxe de choisir mon occupation. Et son canapé était d'un confort indescriptible. J'avais l'impression de m'enfoncer dans le velours rouge qui le bordait. Je coinçais mes mains froides entre mes cuisses et les épaules réhaussées, je lui annonçais, gênée :

- C'est un véritable honneur que de travailler pour vous mais..., je ne suis jamais allée au cirque Madame Lucy. Je suis confuse..

J'avais honte de lui faire part de mon ignorance, surtout après tout ce qu'elle m'avait offert. J'avais toujours été trop pauvre pour espérer dénicher un siège pour un spectacle.

- Je ne sais rien de votre milieu. Vous avez changé ma vie, c'est donc à vous de décider de mon sort.

Mes yeux noirs et blancs attendait sa réponse. Je priais qu'elle ne me donnerais pas à manger aux lions, quand elle en aura récupéré. Je me levais, sans la quitter des yeux, et me plantait devant elle. Boule de Neige avait sauté à mes pieds sur le marbre qui couvrait le sol. Je pinçais ma jupe et l'écartais sur les côtés, pliais les genoux, et baissais la tete. On m'avait appris que c'était une marque de respect, envers les personnes importantes.

- Je ferais avec plaisir et entrain, tout ce que vous me direz de faire.

- C'est un véritable honneur que de travailler pour vous mais..., je ne suis jamais allée au cirque Madame Lucy. Je suis confuse..

Je ne sais rien de votre milieu. Vous avez changé ma vie, c'est donc à vous de décider de mon sort.

Je ferais avec plaisir et entrain, tout ce que vous me direz de faire.

Je la regarde faire un révérence un peu maladroite. J'avoue que ça me flatte, et ne me gêne pas du tout. Cette marque de respect ne me laisse pas indifférente. J'aime que mes artistes me prennent plus pour une souveraine bonne et gentille que leur copine où les ragots fusent. Je lui prend délicatement sa main. A voir son visage, elle était triste. Et pourtant, une sorte de malice, mystérieuse, que si elle travaillait, elle pourrait avoir un jour un grand public.

- Tu seras mon clown triste. Tu feras rire les gens de tes malheurs. Tu seras une star. Tu as un nom de famille...?

Je prend son lapin dans mes bras. Il est désormais rassasié d'une nourriture saine. Je lui offrirai ce qu'il veut. A elle aussi. J'irais ranger une caravane, lui installer et... pardon ?! Moi ? Non. J'irais faire une décoration, mais surement pas le ménage. J'ai un rang à tenir, tout de même.

- Quand on partira et arrivera a une prochaine ville, tu feras un numéro, si il est assez bien, tu continueras. D'accord ?

Je me contentais de hocher la tête en souriant. Je ne savais pas vraiment ce qu'elle attendait de moi, mais on pouvait facilement se moquer de moi.

- On m'avait dit que mes parents se nommaient Lucius et Minerva Blacksnow, tel doit être mon nom de famille. Je ne sais pas l'écrire. Pardonnez mon ignorance, madame Lucy..

J'avais prononcé la dernière phrase en baissant la tête honteusement,avant de finalement replonger mes yeux bicolores dans le bleu de ceux de Lucy. Fallait-il que je sache l'orthographe et le bon français pour être un "clown triste", comme l'avait dit ma jeune maîtresse. N'est-ce-pas la comédie qui fait rire ? La tragédie et le malheur peut vraiment rendre les gens heureux ? Si oui, toute mon existence se résume-t-elle donc en le seul mot "moquerie" ? Pourquoi donc. Ai-je fais du mal à qui que ce soit, pour mériter des représailles telles que ces rires sadiques ? Les humains sont une espèce que je ne comprendrais jamais. Et puis, j'aurais tout le temps de les comprendre, en les regardant évoluer. La seule chose qu'il me restait de mon éducation, était de faire la prière au coucher du soleil, et de ne pas dire de grossièretés.

Du moment que le bonheur, c'est de vivre, on doit le trouver aussi bien dans la douleur que dans le plaisir. Alors, je prendrais plaisir à souffrir pour avoir l'occasion d'admirer des sourires. Telle était la phrase de ma nouvelle vie, orientée par Madame Lucy, dans le cirque. La renaissance de Stella, le petit clown triste. Ça me plait. Je ne la remercierais jamais assez...

- On m'avait dit que mes parents se nommaient Lucius et Minerva Blacksnow, tel doit être mon nom de famille. Je ne sais pas l'écrire. Pardonnez mon ignorance, madame Lucy...

Bien sur, je sais très bien que ce métier n'est pas facile. Au contraire. Les gens se moquent, mais pour nous les artistes les animaux en cages, ce sont eux. Ils rient, comme des singes qui demandent une banane. Ils s'amusent, comme des gorilles qui se battent. Ils sont gros, laids, étrangement simple d'esprit et aucune liberté de sens de l'humour. Nous sommes les rois de ce monde, et ce sont des personnes qui payent pour nous voir faire notre passion. Le plus bête d'entre nous, est celui qui donne pour que nous fassions notre rêve. Je finis ma tasse de thé, et me lève allant chercher des draps propres, quelques affaires qui ne me vont plus, et un peu de nourriture.

- Tiens voilà, Stella Blacksnow. Va te trouver le wagon à ton nom. Morfred a du faire un peu de ménage, et mettre ton nom sur une des portes. Tiens, voilà 30 francs. Tiens jusque là au prochain spectacle, et si tu es performante, tu gagneras encore.

[Ton compte a été crédité de 50 francs, nous ouvrirons dès que possible une boutique, pour que tu puisses acheter des objets qui te serviront par la suite]

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